De moins en moins de candidats se présentent aux concours de l’enseignement. Pourtant ils restent des dizaines de milliers à s’engager dans cette voie : font-ils le bon choix ? Pour savoir ce qu’il en est vraiment de cette baisse d’attractivité du métier de professeur, regardons les chiffres de plus près et interrogeons les enseignants en exercice.

« Malaise enseignant », « crise des vocations », « métier qui ne fait plus rêver » : dans l’actualité, la baisse du nombre de candidats aux concours de l’enseignement est largement commentée. Elle fait écho aux crises récentes liées à la réforme du lycée et à celle des retraites, mais aussi à la question de la rémunération des enseignants.

S’en dégage une impression de morosité qui peut interroger les (futurs) candidats aux concours : « Ai-je raison de m’engager dans cette voie ? » Une question à laquelle il convient de réfléchir en amont, non seulement pour prendre la bonne décision, mais aussi pour être en mesure d’apporter des réponses au jury lors de l’oral du concours : la réforme du CAPES prévoit en effet d’y aborder les motivations des candidats.

Que révèle donc cette baisse des inscriptions aux concours de l’enseignement ? À regarder les chiffres de plus près, le tableau n’est peut-être pas aussi noir. Et pour savoir si le métier d’enseignant vaut encore la peine, pourquoi ne pas poser la question à ceux qui l’exercent déjà plutôt que de compter ceux qui y renoncent avant de l’avoir essayé ?

Une situation contrastée d’un concours à l’autre

C’est un fait : le nombre total d’inscrits à la session 2020 des concours de l’enseignement est en baisse. Toutefois, ces concours sont nombreux et il convient de les distinguer.

Des difficultés de recrutement dans le second degré

La « crise des vocations » semble surtout concerner l’enseignement secondaire. En effet, les candidats au CAPES externe 2020 étaient 30 880, soit 7,8 % de moins que l’année précédente (ils étaient 33 490 en 2019).

Cette baisse concerne particulièrement certaines disciplines comme l’allemand (– 17,4 %), les maths (– 16,8 %) et la physique-chimie (– 9,8 %). Mais c’est dans les voies technologique et professionnelle que la chute du nombre global d’inscrits aux concours est la plus marquée (– 16,6 % pour le CAPET et – 19,7 % pour le CAPLP).

Toutefois, la tendance à la baisse est moins nette pour certains concours de l’enseignement secondaire. C’est le cas pour le CAFEP externe (le CAPES de l’enseignement privé) : le nombre d’inscrits passe de 7 675 en 2019 à 7 315 en 2020, soit une différence de 4.7 %.

Pour le CAPEPS externe public, la tendance est même franchement inverse : ce concours affiche une augmentation de 2.7 % du nombre de candidats (5 222 en 2019, 5 366 en 2020).

Les concours du premier degré plus attractifs

Le premier degré reste globalement attractif. Les inscriptions au CRPE externe public présentent en effet une stabilité globale (– 1,1 %), même si la situation reste tendue dans certaines académies telles que Créteil ou Montpellier.

Dans l’enseignement privé, le nombre de candidats au CRPE externe a même nettement augmenté : de 11 993 en 2019, il est passé à 14 341 en 2020, soit une augmentation de 19.6 %.

Plus de candidats en reconversion

L’Éducation nationale continue d’attirer des candidats en reconversion, souvent en quête d’un métier utile et porteur de sens.

Déjà en 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), dans son rapport sur « L’attractivité du métier d’enseignant », signalait cette évolution : « Il s’agit principalement d’actifs hors Éducation nationale (salariés du secteur privé ou fonctionnaires hors ministère de l’Éducation nationale) dont la proportion a augmenté de façon continue depuis 2005 (de 8,4 % à 14,9 % en 2015). Ils représentent, avec les demandeurs d’emploi (bénéficiant, dans ce cas, d’allocations de formation) et d’autres catégories d’actifs (personnels d’éducation ou enseignants non titulaires), près de 40 % des lauréats du concours de professeurs des écoles en 2015. »

En témoigne le « 3e concours » du CAPES public, spécialement conçu pour une partie des candidats en reconversion : avec 2 847 candidats inscrits en 2020, il en comptait seulement 26 de moins qu’en 2019, une tendance à la baisse bien moins nette que pour le CAPES externe.

Ce que disent les enseignants de leur métier

Au cours du printemps 2019, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a conduit pour la première fois une « enquête de climat scolaire » auprès des personnels du second degré de l’Éducation nationale.

Cette enquête nationale a été menée auprès d’un échantillon représentatif de personnes exerçant dans un établissement de France (métropolitaine et DOM). Près de 45 000 y ont répondu, dont une grande partie d’enseignants.

Premier chiffre à noter : au cours de l’année scolaire 2018-2019, plus de 80 % de ces enseignants disent « se sentir tout à fait ou plutôt bien » dans leur fonction (public : 80.7 % ; privé : 90.2 %).

79 % des enseignants déclarent avoir un bon équilibre entre leur vie personnelle (vie quotidienne, famille, loisirs, associations…) et leur vie professionnelle.


Ipsos/AXA Baromètre santé & prévoyance de l’Éducation nationale 2019

Un métier de relations

Élèves, parents, personnel de l’établissement : les contacts humains sont au cœur du métier d’enseignant, et c’est souvent ce qui le rend attractif. Les professeurs considèrent presque unanimement comme « bonnes ou très bonnes » les relations qu’ils entretiennent avec :

  • leurs élèves (public : 93.8 % ; privé : 97.6 %) ;
  • leurs collègues (plus de 90 % également, qu’il s’agisse du personnel enseignant, administratif, technique ou médico-social) ;
  • le personnel de direction (plus de 80 %).

Ils se sentent respectés à la fois par les élèves et leurs parents.

Des tâches plaisantes et utile aux autres

Dans une très grande majorité, les enseignants déclarent effectuer des tâches qui leur plaisent. Ils estiment en outre que ces tâches sont utiles aux autres. Mais les enseignants du secteur public ne sont que 69 % à éprouver ce ressenti, contre 81 % pour les enseignants du secteur privé.

Formation, moyens, charge de travail : peut mieux faire

Seule la moitié des enseignants estime suffisants et adaptés la formation et les moyens dont ils disposent. Autre point que les enseignants voudraient voir amélioré : la quantité de travail. Une minorité seulement ne la trouve pas excessive (entre 33.2 et 39.7 %).

La question de la violence scolaire

Concernant la sécurité, la situation est contrastée : les enseignants du public sont nettement moins nombreux à déclarer leur établissement épargné par la violence que ceux du privé (41.1 % contre 76.1 %). Pour autant, plus de 90 % de l’ensemble se sentent en sécurité à l’intérieur comme aux abords de leur établissement.

Les résultats plutôt positifs de cette enquête ne remettent pas en question les difficultés et les inquiétudes actuelles des enseignants, qui sont réelles. En revanche, ils révèlent que malgré ces difficultés, l’attachement des professeurs à leur mission perdure et qu’il est encore possible de s’épanouir dans ce métier.

En éducation prioritaire et dans les lycées professionnels, un jugement moins bon pour le climat, meilleur pour les conditions de travail

Dans les collèges de l’éducation prioritaire (EP), les enseignants ont une perception du climat scolaire de leur établissement globalement moins favorable : 54 % le jugent satisfaisant, contre 68 % hors EP.

Les différences sont notables pour ce qui est du sentiment que les élèves y apprennent bien. Ce sentiment exprimé par un enseignant sur quatre (25 %) atteint un niveau de deux fois inférieur à celui constaté hors EP (53 %).

De même, 83 % des enseignants des collèges en EP estiment que la violence est présente dans leur établissement, contre 58 % pour les enseignants exerçant dans les autres collèges publics. S’agissant du sentiment de sécurité, les écarts sont importants aux abords du collège (18 points) ; ils le sont nettement moins en son sein (7 points).

Le constat d’un climat perçu comme moins bon en éducation prioritaire ne vaut pas pour toutes les dimensions. En particulier, les enseignants de ces collèges s’estiment plus souvent respectés par les parents d’élèves (91 % contre 85 % pour les enseignants hors EP).

Un tel constat inversé se vérifie par ailleurs pour de nombreuses dimensions relatives aux conditions de travail. En éducation prioritaire, les enseignants ont plus souvent l’impression de faire partie d’une équipe. Ils sont plus nombreux à estimer disposer d’un temps suffisant pour effectuer leur travail. Enfin, le sentiment de faire quelque chose d’utile aux autres est également plus fréquent (+ 5 points).

De manière générale, la perception des enseignants des lycées professionnels publics est comparable à celle de l’éducation prioritaire : elle est moins bonne pour le climat scolaire et plus nuancée pour les conditions de travail.


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