À 35 ans, Éva est professeure des écoles stagiaire. Après plusieurs tentatives au concours externe, elle a espéré pouvoir passer le CRPE interne, mais c’est finalement grâce au troisième concours qu’elle a atteint son objectif. Elle raconte son parcours.

Après un parcours universitaire classique (licence de lettres modernes), j’ai postulé pour faire des suppléances dans l’enseignement privé. J’ai toujours voulu être professeur des écoles, et faire des remplacements était pour moi un atout certain dans la préparation du CRPE (concours de recrutement des professeurs des écoles).

Après plusieurs entretiens, des tests et le préaccord collégial obtenu, me voilà professeure des écoles suppléante. Mon premier remplacement est loin de mes ambitions. Je dois remplacer une professeure de français et d’histoire-géographie dans un lycée professionnel !

Malgré des craintes, me voilà devant des élèves à peine plus jeunes que moi parfois… Mais cette première expérience fut pour moi LA confirmation : c’est bel et bien enseigner que je veux faire.

On m’appelle enfin pour des remplacements dans le premier degré. Et me voilà lancée. J’adore le contact avec ces enfants pour lesquels l’école est un plaisir. Je fais de mon mieux mais j’ai beaucoup à apprendre. Je prends en compte les conseils des collègues, j’observe…

Après trois années de suppléance et trois tentatives au CRPE (trois échecs), la DDEC (direction diocésaine de l’enseignement catholique) m’annonce que je ne peux continuer les remplacements. Tout se passait bien mais ils m’expliquent qu’il faut laisser la chance à d’autres…

Gros coup dur !!! D’autant plus que dorénavant, pour pouvoir passer le CRPE, une licence ne suffit plus, il faut un bac + 5 ! Je ne m’imagine pas revenir à l’université : je suis déjà installée et le statut d’étudiant n’est pas vraiment rentable.

Mon rêve d’enseigner s’éloigne donc sévèrement… Je suis terriblement déçue et je dois trouver une nouvelle orientation. Mais que faire avec une licence de lettres modernes ? J’ai toujours voulu être professeure des écoles et je n’ai jamais envisagé une autre voie professionnelle ! Me voilà dans une impasse… et au chômage. J’accepte des petits boulots, il faut bien gagner sa vie.

Et un jour, une amie m’appelle. Elle est professeure d’anglais dans un collège rural. Elle m’informe que le principal recherche une AED (assistante d’éducation, autrement dit surveillante). Je passe l’entretien et je suis retenue parmi cinq candidats.

Le salaire n’est pas attractif, ce n’est pas un temps plein mais c’est pour moi l’occasion de revenir vers le monde de l’enseignement ! Je prends vite mes marques, l’ambiance est agréable…

Et en discutant avec un collègue (préparant le CRPE), j’apprends qu’avec trois ans d’expérience en tant qu’AED, je peux passer le CRPE en interne (avec moins d’épreuves à passer). Je suis aux anges, un nouvel espoir se profile…

Dans ma troisième année d’AED au collège (j’y suis alors à temps plein), je veux m’inscrire. Me voilà devant mon ordinateur mais une fois de plus c’est la douche froide ! Le CRPE interne n’existe pas dans l’académie de Nantes ! Décidément le sort s’acharne…

Le CRPE interne existe aux académies d’Orléans-Tours et Poitiers mais pas à Nantes. Mais passer le concours dans une autre académie implique qu’il faut exercer dans cette même académie et donc un déménagement en cas de réussite. Nous n’y sommes pas prêts. Nous sommes propriétaires et nous vendrions à perte et mon compagnon est épanoui dans son travail !

Et puis j’entends parler du troisième concours. L’espoir renaît. Pour passer le concours, je dois justifier de cinq années d’expérience professionnelle dans le privé (pas nécessairement dans l’enseignement). C’est ma chance !

Je m’inscris au concours mais c’est un nouvel échec. Je me dis que je ne suis peut-être pas faite pour ça. Le doute s’installe.

Je fais deux nouvelles rencontres : une nouvelle collègue (sortant de l’ESPE et qui veut retenter le CRPE) et la nouvelle gestionnaire du collège. Elles me prennent sous leur aile et me coachent. Révisions collégiales et intensives…

Et c’est bon : je suis reçue aux écrits, je vais à l’oral !!! Je n’en reviens pas et je prépare en catastrophe mon dossier pour l’oral : j’étais tellement sûre d’un nouvel échec que mon dossier n’était pas prêt ! Je bosse, je prends des conseils, je me fais aider.

Les oraux approchent, le stress monte. Pas envie d’échouer si près du but… Premier oral et je suis perplexe. J’ai su proposer des idées mais je n’ai pas su répondre à deux questions. Cela suffira-t-il ?

Le deuxième oral (sur le fameux dossier) approche. Je reçois un mail du rectorat la veille de le passer, m’expliquant qu’ils n’ont pas reçu les pièces justificatives pour mon inscription au concours. Je suis alors très surprise, j’ai fait le nécessaire dans les délais prévus (en novembre) !

Dans le doute, j’envoie tous les documents à nouveau par mail. Par précaution, je prends avec moi les documents version papier pour mon oral que je fournis à mon arrivée.

Je passe mon oral qui, cette fois, se passe plutôt bien. L’organisatrice des épreuves m’interpelle et m’annonce une nouvelle que je ne pensais pas possible. Pendant mon oral, elle a épluché mon dossier et, après vérification, je n’atteins pas les 5 années d’expérience professionnelle requises pour le troisième concours.

Je n’y crois pas !!! J’ai comptabilisé 5 ans et 4 mois et elle ne compte que 3 ans et 10 mois. Elle m’explique que toutes mes suppléances dans le privé n’ont pas été prises en compte (cela dépend du type de contrat… les écoles privées sont soit sous contrat simple soit sous contrat d’association).

C’est la douche froide. Tant de travail, de révisions, d’investissement… pour rien !!! On est alors jeudi et j’ai jusqu’au mardi suivant pour apporter de nouvelles pièces à mon dossier…

Je passe le week-end à la recherche du moindre contrat de travail ou fiche de paie justifiant d’une expérience professionnelle. J’appelle mes anciens employeurs… Je retrouve des fiches de paie en francs. Finalement ma candidature est recevable !!! J’en pleure, je n’y croyais plus.

C’est à présent l’angoisse des résultats. Lundi 20 juin 2016, fin de journée, je ne lâche plus mon ordinateur ! Les résultats tombent enfin et je suis admise ! J’explose de joie, je crie, je pleure. Je fais peur à ma fille (qui a 5 ans) qui se demande ce qui se passe. Je reprends mes esprits et je lui explique que sa maman va réaliser son rêve. Je lis dans le regard de son papa de la fierté.

Je suis heureuse. J’ai 35 ans et ENFIN un métier qui me plaît. Je savoure cette réussite, je passe ma soirée au téléphone pour crier à tout le monde mon bonheur.

Très vite, je reçois une liste de 71 écoles à classer par ordre de préférence. Et puis, c’est le mail tant attendu. Je suis affectée dans une école maternelle dans le village voisin de chez moi. Je n’en reviens pas. J’ai obtenu mon premier vœu !

Je prends contact avec la directrice qui me présente la collègue avec laquelle je vais partager la classe. Le courant passe tout de suite entre nous. Je me sens chanceuse et entre de bonnes mains.

Je suis professeure des écoles stagiaire, c’est-à-dire que je suis en formation à l’ESPÉ (ex INSPÉ) en début de semaine (lundi, mardi et un mercredi sur deux) et dans ma classe, face à 27 enfants de petite section en fin de semaine (un mercredi sur deux, jeudi et vendredi).

Le rythme est intense. En plus des cours, je dois préparer ma classe, évaluer mes élèves, assister aux diverses réunions et assurer les rendez-vous avec les parents. Sans oublier l’écrit réflexif que je dois rédiger en vue de mon évaluation à l’ESPÉ.

Bref, je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Je me sens vraiment dans mon élément, je suis épanouie mais je l’avoue… fatiguée (d’autant plus que j’attends mon deuxième bébé).

Il faut savoir qu’en tant que stagiaires, nous sommes particulièrement suivis. Une PEMF (professeure des écoles maître formatrice) vient régulièrement m’observer en classe. Avec une conseillère pédagogique, elle rédige son premier rapport sur mes compétences professionnelles. Ce rapport est bon, me voilà rassurée.

Mon tuteur (professeur à l’ESPÉ) vient aussi m’observer. Je suis encouragée, conseillée ! Bref, même si ce n’est pas facile tous les jours (je suis quelqu’un qui doute beaucoup), je savoure cette année riche en découvertes, en expériences et en apprentissages !!! J’attends l’inspection de mai et je vais pouvoir dire avec fierté que je suis professeure des écoles TITULAIRE.

Mon parcours n’a pas été simple mais je n’ai jamais abandonné. J’ai fait les bonnes rencontres au bon moment et aujourd’hui je vis mon rêve de petite fille. Je conseille à tout le monde ce métier. Rien de plus valorisant que de voir les yeux d’un enfant briller parce qu’il a enfin compris la notion jusque-là floue pour lui. Vous l’aurez compris, j’ai trouvé ma voie !…


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