Je m’appelle Solène. Si j’avais su il y a un an que j’allais vivre mes premières expériences de « maîtresse » quelques mois plus tard, je ne l’aurais pas cru…
Et pourtant ! À 26 ans, diplômée de l’école de management de Reims, je fais cette année mes premières suppléances en tant que remplaçante dans le 1er degré.
En fait, avec le recul, mon parcours n’est pas si impromptu qu’il en a l’air.
Après un baccalauréat Économique et Social, loin de moi le projet de passer les concours de l’enseignement. J’ai choisi de me tourner vers l’entreprise et une activité salariée, sans trop savoir vers quel domaine me tourner. Je m’inscrivis en Droit à l’université Panthéon-Assas (Paris II), puis me spécialisai en Droit privé.
Après avoir obtenu ma licence, je passai le concours des écoles de management en admission parallèle pour y suivre une formation en master. Je m’y orientai en Marketing et Communication tout en évoluant au gré de mes différentes expériences professionnelles en entreprise.
Une remise en question professionnelle
Mais de mûres réflexions me firent réaliser par la suite que le monde de l’entreprise ne me correspondait pas. J’ai réalisé que donner autrement du sens à mon travail était nécessaire à mon épanouissement personnel et professionnel. Autrement dit, je ressentais davantage le besoin de me sentir utile aux autres plutôt que d’être au service d’une activité commerciale.
Néanmoins, je ne savais pas exactement vers quel domaine me tourner… Une rencontre avec une institutrice de l’enseignement privé a été le point de départ de mon nouveau projet professionnel. Elle m’a décrit le principe des suppléances au sein de l’enseignement privé, ce qui a nourri ma curiosité et m’a poussée à approfondir cette voie.
Car même si l’enseignement était bien loin de ce que j’avais fait jusqu’à présent, cela ne me semblait pas si incohérent. En effet, j’avais pendant longtemps effectué des gardes d’enfants et assuré du soutien scolaire durant mes études. J’avais également intégré un établissement scolaire au Royaume-Uni, au sein duquel j’avais assisté les professeurs de français pendant plusieurs mois pour perfectionner mon anglais.
Je devais donc me renseigner sur ce qu’il était possible de faire sans aucun diplôme spécialisé. Dans cette optique, j’ai poursuivi ma recherche d’informations en m’orientant vers les suppléances dans l’enseignement privé, où je savais déjà un peu vers quoi je m’engageais.
Première prise de contact
Je pris contact avec la Direction diocésaine de l’enseignement catholique (DDEC) de mon département afin d’obtenir des informations. Très attentive à ma demande, mon interlocutrice, responsable du vivier des suppléants du 1er degré, me donna toutes les informations dont j’avais besoin. Car de nombreuses questions arrivaient au fur et à mesure que je creusais cette direction !
Était-il possible pour moi, sans CAPES et sans être inscrite à une formation dans l’enseignement, d’effectuer des suppléances ?
Quelles étaient mes obligations au regard de la DDEC ?
Quelle était la procédure à suivre pour rejoindre le vivier des suppléants ?
Premier ou second degré ?
Combien de temps pouvaient durer les suppléances ?
Allais-je être formée au préalable ?
Très disponible et heureuse de m’aiguiller, la responsable me rassura sur de nombreux points. Seul le niveau licence (bac +3) était nécessaire et suffisant pour intégrer le corps des suppléants. Même en Droit ? Même en Droit !
En revanche, ma licence en Droit me fermait les portes du second degré ! En effet, il est nécessaire d’avoir obtenu la licence de la matière que l’on souhaite enseigner pour devenir suppléant du second degré (Lettres pour le français, LEA pour les langues, Histoire pour l’histoire-géo…).
Et je n’étais pas obligée de m’inscrire au concours ni à une formation aux métiers de l’enseignement. Libre à moi de le faire par la suite, si j’en avais envie !
Le remplacement d’un instituteur titulaire n’est possible que si celui-ci est absent plus d’une semaine. La durée d’une suppléance n’a pas véritablement de durée limite. Elle dépend du besoin (remplacement d’un congé maternité ou d’un congé maladie, par exemple) et peut donc être longue de plusieurs mois.
Une fois que ma candidature allait être validée par la DDEC, je devais être disponible pour assurer le remplacement d’un instituteur absent, au minimum une semaine.
En fait, La DDEC fonctionne un peu comme une agence d’intérim : elle prend en compte les besoins des établissements puis se charge de puiser dans ses «ressources humaines» des remplaçants. Ainsi, le suppléant n’est pas rattaché à l’école où il exerce son remplacement, mais au rectorat, qui est son unique employeur.
Toutes ces informations me permirent de tirer comme conclusion : pourquoi ne pas essayer ? Mais avant toute suppléance, il fallait que je suive la procédure pour intégrer le corps des suppléants du département et que j’obtienne le «préaccord collégial».
L’obtention du préaccord collégial
Ce préaccord est indispensable pour être suppléant dans un établissement privé catholique. Il est obtenu après l’envoi d’un dossier de candidature qui donne lieu à un entretien de motivation face à des instituteurs et directeurs d’établissements.
Il s’agit d’évaluer si la personne candidate, sans qualification ni formation, sera capable de prendre instantanément en main une classe, de s’intégrer au sein d’une équipe éducative et surtout d’avoir les qualités pédagogiques suffisantes pour appliquer les programmes… et enseigner.
Je fus reçue en entretien rapidement après mon dépôt de dossier. En effet, il manque des suppléants ! Les besoins sont grands et les moyens insuffisants. Chaque candidature est précieuse, mais le préaccord n’est pas donné pour autant à tous ceux qui en font la demande.
Le projet doit être réfléchi. Il n’est pas anodin d’être responsable d’une classe pendant au moins plusieurs jours. Le candidat doit donc être conscient de ses responsabilités et des enjeux de ses fonctions, et doit s’informer sur le «projet pédagogique» de l’établissement.
Face à une institutrice et à un directeur d’établissement, je devais expliquer quelles étaient mes motivations eu égard à mon parcours professionnel jusque-là et montrer que je me sentais capable de gérer une classe au pied levé !
Cet entretien s’est très bien passé. Il ne s’agit pas d’un concours, le but est de déterminer si l’idée que se fait le candidat de l’enseignement et des suppléances correspond à la réalité.
Mon « jury » m’a donc bien expliqué que les suppléances pouvaient être difficiles les premières fois, notamment s’il fallait remplacer le titulaire d’une classe à double niveau. Le plus important était de bien se sentir accueilli par l’ensemble de l’équipe éducative, et qu’il ne fallait absolument pas avoir peur de poser des questions au cours de son intégration.
Premières suppléances
Quelques semaines plus tard, ma candidature fut validée par la DDEC et j’obtins le préaccord collégial. Je faisais maintenant partie du vivier des suppléants. Ce préaccord est également valable si je change de département, il est inutile de l’obtenir à nouveau en cas de déménagement.
Fin août, avant ma première suppléance, la DDEC assura une journée de formation aux futurs suppléants. Cette journée fut l’occasion de rencontrer d’autres personnes qui, comme moi, n’avaient encore jamais exercé dans l’enseignement, mais venaient elles aussi d’obtenir le préaccord collégial quelques mois plus tôt. D’autres avaient fait leurs premières suppléances avant les vacances d’été et ce fut source de riches échanges d’expériences.
Cette journée de formation fut pour moi incontournable. Elle m’a permis de mieux connaître le fonctionnement des établissements scolaires et de savoir quelles questions poser en démarrant pour que tout se passe le mieux possible. À la fin de la journée, j’avais hâte de connaître enfin le terrain !
Et même si, en théorie, on ne peut être appelé à remplacer un titulaire moins de deux jours avant, il est possible qu’en cas d’urgence, on puisse être sollicité le lundi matin à 8h15 pour un remplacement à 8h30, il faut se sentir prêt !
J’ai rapidement reçu un e-mail de la responsable des suppléances : on avait besoin de remplacer l’institutrice d’une classe de CM2 pendant une semaine, dans un établissement juste à côté de mon domicile. C’était idéal pour commencer.
Je pris instantanément contact avec la titulaire que je devais remplacer, avec une liste démentielle de questions :
Combien d’élèves ?
Quel était l’emploi du temps hebdomadaire ?
Quelles étaient les habitudes des élèves ?
Y en avait-il qui avaient des difficultés particulières ?
Y avait-il un planning des surveillances dans la cour de récréation ?
Où en était-elle dans le programme scolaire ?…
J’ai eu beaucoup de chance d’avoir toutes les informations nécessaires en amont. La veille de mon « premier jour », je rencontrai la directrice de l’établissement pour finaliser mon dossier administratif et me présenter aux élèves.
C’est à ce moment-là que je fus présentée à la classe par la directrice : «Madame XX remplacera Madame YY le temps de sa convalescence. Je tiens à vous préciser que Madame XX sait absolument TOUT du fonctionnement de l’école et de la classe.»
Tout l’enjeu de cette première prise de contact tenait en un mot : la crédibilité. La directrice, sans doute habituée et sachant très bien qu’il s’agissait de ma première suppléance a donc su me donner pleinement le statut d’enseignante au regard des élèves.
Mais je ne cache pas que 29 paires d’yeux me fixant avec un demi-sourire était quelque peu intimidant… Face à eux, à cet instant précis, c’est là que tout se jouait : comme pour un entretien d’embauche, ce sont les premières secondes qui comptent ! J’ai endossé mon nouveau rôle instantanément : être sûr de soi, confiant, tout en témoignant de la bienveillance… et leur dire «Bonjour !».
Le lendemain, premier jour ! À l’instar de la veille, les premiers instants fatidiques qui peuvent fortifier ou détruire une crédibilité, c’est au cours de la montée des rangs dans la salle de classe ! Et réclamer le silence et le calme à une classe entière, même pendant un court laps de temps, n’est pas une mince affaire.
J’avais alors toujours l’impression de jouer un rôle car je me forçais à ne pas sourire et à parler avec fermeté, alors que je me disais intérieurement : «si mes amis me voyaient !»
Dans la classe, je suivis scrupuleusement l’emploi du temps et la «routine» : faire l’appel, donner la date, parler un peu anglais et faire du calcul mental… En effet, mon rôle n’était pas de prendre des initiatives pédagogiques sans en parler au préalable avec la titulaire que je remplaçais. L’idée étant de «me glisser dans ses chaussons», je devais respecter la feuille de route énoncée, à l’exercice près.
Cela me rendait grandement service car je savais où j’allais et je gérais le temps plus facilement. Mais cela rendait aussi service à l’enseignante titulaire car à son retour, elle savait exactement ce que j’avais fait avec ses élèves. Le but était aussi de maintenir une routine avec les élèves, à laquelle ils étaient habitués. Ne surtout pas confondre le cahier bleu des devoirs, la pochette violette des parents et le cahier rouge de vie !
Pendant la première récréation, j’ai pu faire connaissance avec l’équipe pédagogique. Je fus chaleureusement accueillie par l’ensemble des enseignants, tous prêts à me donner un coup de main si besoin. Même si je ne restais qu’une semaine, c’était rassurant de savoir que je trouverais réponse à mes questions.
J’ai aussi eu l’occasion de faire des surveillances dans la cour et au portail de l’école, selon le planning hebdomadaire défini par la direction. C’est lors de cette dernière «tâche» que j’ai pu rencontrer succinctement des parents d’élèves. Mais une seule semaine représente une trop courte période pour avoir une relation parents-enseignant à part entière. Je n’ai donc que très peu échangé avec eux.
En revanche, la relation parents-suppléant semble très différente en maternelle. Une suppléante de petite section m’a raconté avoir vécu de nombreux échanges avec les parents de ses élèves. En effet, ceux-ci sont peut-être plus impliqués dans l’accompagnement de leur enfant et sont souvent plus présents lorsqu’ils les déposent ou viennent les chercher à la fin de la journée.
Il est donc bien vu de montrer aux parents – surtout lorsque l’on est suppléant car les changements d’enseignant ne sont pas toujours très bien vécus par les très jeunes enfants – que l’on fait attention à chaque enfant, individuellement. Cela peut rassurer de montrer notre implication à leurs côtés.
Ma première semaine de suppléance est passée très vite, et je n’ai pas rencontré de difficultés particulières. Il était amusant au début de voir les élèves me tester. Forcément, on a tous en mémoire l’image du «remplaçant» synonyme de «vacances anticipées»…
J’ai appris à maintenir un rapport enseignant-élèves en étant intraitable sur les comportements, par exemple. Desserrer la vis peut être dangereux car il est bien plus simple de perdre sa crédibilité que de la gagner. Mais sourire aux élèves, les faire rire rend le cours vivant et agréable pour tout le monde. Et je suis convaincue qu’il ne faut surtout pas hésiter à se confier à un autre enseignant si l’on rencontre un problème.
En somme, ce fut pour moi une formidable expérience, qui m’a donné confiance en moi pour la suite. D’après la titulaire que je remplaçais, lors de son retour en classe, j’étais prête pour la seconde suppléance !
Vers le concours ?
À l’heure actuelle, je n’ai pas encore pris ma décision de passer ou non le CRPE et devenir ainsi moi-même titulaire. En effet, j’aimerais faire des suppléances dans d’autres niveaux de classe afin de voir si j’ai davantage d’affinités pour l’un ou l’autre. Je souhaiterais également exercer des suppléances dans des classes à double niveau, pour comprendre comment cela se prépare et s’organise.
Les suppléances sont idéales pour cela : elles permettent de découvrir différents niveaux, établissements, équipes éducatives, élèves. C’est donc une chance formidable d’apprendre le métier en se faisant sa propre expérience. Les durées étant plus ou moins longues, elles permettent une véritable souplesse.
Elles sont également sources d’un profond enrichissement professionnel – pour ceux qui se questionnent sur leur vocation – et humain, pour toutes les rencontres qu’elles suscitent.
Enfin, intégrer le vivier des suppléants de sa région répond aussi à un réel besoin de la part des rectorats. Beaucoup de titulaires ne sont pas remplacés, faute de suppléants.
Les suppléances sont l’opportunité parfaite pour comprendre et appréhender les enjeux liés à l’enseignement et à l’éducation.
Elles permettent de réaliser ce qu’est réellement le métier d’instituteur ou de professeur. Elles sont l’occasion d’être au quotidien avec des élèves de tous niveaux (de la maternelle au CM2 pour le premier degré et de la 6ème à la Terminale pour le second degré), et découvrir peut-être des affinités de niveaux.
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