La construction de relations de confiance entre les parents et les enseignants est une question centrale, régulièrement rappelée comme une priorité de l’institution. À travers ces extraits du livre Familles-École : construire une confiance réciproque paru chez Réseau Canopé, Jean-Louis Auduc vous délivre de précieux éclairages afin de lever les incompréhensions faisant obstacle aux bonnes relations entre les parents d’élèves et l’école, et vous propose quelques pistes pour les améliorer.

Lever les malentendus et les peurs réciproques

L’enjeu de la confiance nécessite de lever les peurs réciproques entre les parents et les enseignants ou les personnels de l’éducation. Il est indispensable que les parents, pour faire confiance, « se sentent pris en considération ». Mehdi Hatri, nouvel enseignant en Seine-Saint-Denis, énumère ainsi les peurs qu’il perçoit chez les parents :

« Peur du jugement des enseignants sur leur capacité à être de bons parents, peur face au pouvoir tant des enseignants que de l’institution école, notamment en matière de redoublement, d’orientation ou de sanctions, peur de ce qu’ils vont entendre sur leur enfant, peur de l’avenir pour leur enfant, car l’obligation de réussite est extrêmement forte et pèse sur les relations entre l’école et la famille, peur des “représailles” que leurs interventions pourraient entraîner envers leur enfant, peur d’être dépossédé de son rôle de parent en particulier lorsque l’entretien a lieu en présence de l’enfant. Il ressort de mes entretiens avec des parents que la principale crainte est celle de la convocation. En effet, ils ont trop souvent l’habitude de ne voir les enseignants que lorsqu’il y a des problèmes et jamais pour s’entendre dire que tout va bien ou que leur enfant a progressé. »

Du côté des enseignants, des obstacles à la communication et des appréhensions peuvent exister. Ainsi, une critique formulée par un parent peut être vécue comme une mise en cause ; l’expression d’un désaccord, d’un point de vue différent peut être perçue comme un conflit difficile à résoudre, déclenchant d’inévitables tensions. Mehdi Hatri poursuit son recensement des craintes par les constats suivants :

« Peur d’être dépourvu face à des interrogations de parents, peur d’être interpellé sur des problèmes institutionnels non résolus, peur d’être pris à parti devant les collègues en conseils de classe ou lors des réunions de parents, peur de ne pas pouvoir se justifier face à des critiques sur les réformes pédagogiques, peur de laisser paraître ses propres interrogations, peur de ne pas conduire l’entretien en professionnel, peur de la contestation des parents face à une sanction, peur de blesser les parents en énonçant des choses difficiles à entendre sur leur enfant. »

Ces réserves traduisent la plupart du temps un manque d’assurance de la part des enseignants, que toute remise en cause supplémentaire vient alimenter. Ainsi, l’enseignant peut craindre la surveillance, l’ingérence des parents dans certains cas, ou redouter de parler devant un groupe, de perdre ses moyens, d’être déstabilisé devant la question d’un parent, de ne pas maîtriser la dynamique du groupe, d’être pris en défaut, mal compris, de ne pas apparaître comme crédible dans le domaine pédagogique, d’avoir à répondre sur un cas qui le dépasse…

Reconnaître l’enfant dans l’élève

L’élève est au cœur de la relation entre l’école et la famille. Il en est même l’objet, il faut donc être attentif à la place qu’il y occupe. C’est une des questions récurrentes lors des rencontres entre les parents et l’enseignant ou le chef d’établissement, qui sont des rencontres entre adultes. La question de la présence du jeune pendant l’entretien parents/enseignants doit être posée et s’il ne peut y avoir de réponses générales, on peut tracer un certain nombre de pistes.

Pour clairement légitimer l’un et l’autre dans leurs fonctions, il peut être utile que le jeune n’assiste pas à la première partie de la discussion, mais puisse, par exemple, être appelé pour la fin de la rencontre afin d’écouter les points sur lesquels se sont mis d’accord parents et responsables de l’établissement.

Dans des cas plus difficiles (problèmes de comportement du jeune, absentéisme…) ou pour évoquer des problèmes dont la famille n’a pas conscience, il peut s’avérer positif que le jeune n’assiste pas à la rencontre et n’ait pas à assumer un rôle ou des responsabilités qui ne lui incombent pas :

« Ce qui circule entre les familles et l’école se joue, tout particulièrement dans le cas des milieux populaires et immigrés, au travers de l’enfant qui se situe à l’interface, au point de jonction entre deux mondes qu’il doit faire communiquer. Ce rôle qui lui incombe parfois très tôt, dès lors que les parents ne maîtrisent pas les codes et le langage de l’école, lui fait porter une responsabilité en forme de solitude scolaire. Le risque est grand de voir l’enfant informateur oublier ou déformer les messages, tout en devant supporter les conséquences d’un enjeu qui lui échappe. »

Un parent, lors d’une réunion à Pantin, déclarait : « Je ne sais pas comment me situer à chaque rupture. En tant que parent, j’étais accueilli dans l’école maternelle ; en primaire, j’étais à la porte d’entrée ; maintenant, au collège, je ne sens plus ma place et mon fils me dit de ne pas y aller. »

On peut parler dans certains cas de l’élève comme d’un écran par rapport à sa famille, notamment à partir de la 6e. On assiste à un paradoxe qui consiste à viser le développement de l’autonomie des enfants sans leur expliquer l’importance de la présence de leurs parents dans l’école, alors que, dans des pays européens comme le Danemark, l’Écosse ou la Finlande, on insiste auprès des élèves à partir de dix ans sur le fait que les parents ont toute leur place dans l’établissement scolaire sans que cela ne remette en cause le fait qu’ils ne sont plus des enfants et que plus personne ne les appellera ainsi.

Autre question qui met en jeu la place de l’enfant, celle de la transparence dans le discours produit. L’enseignant doit-il tout dire aux parents de ce que fait l’élève dans la classe ou lors d’une sortie scolaire ? Les parents doivent-ils tout dire aux enseignants de ce qui se passe à la maison ?

Être totalement transparent au risque de ne pas garantir l’intimité, l’espace privé du jeune, peut être fortement préjudiciable dans la construction de sa personne et de son autonomie. La classe, l’établissement scolaire sont aussi, à leur manière, un espace d’intimité et de confidentialité pour le jeune comme pour l’enseignant. Il apparaît important de montrer que la confidentialité partagée sur certains sujets et à certains moments est aussi un élément qui fait partie de la construction du futur ou de la future adulte.

Comment développer une attitude d’ouverture

Il est nécessaire de chercher à engager systématiquement avec les parents des contacts dès le début de l’année et de les maintenir tout au long de l’année, en utilisant différents moyens (entretiens individuels, réunions collectives, mais aussi échanges téléphoniques ou encore carnet de liaison).

Une « lettre ouverte aux familles » peut présenter les différents documents de liaison utilisés. Il est souvent décisif d’aménager les conditions matérielles des rencontres familles/école. Il est également nécessaire de réfléchir aux modalités relationnelles des rencontres avec les enseignants pour mettre les parents à l’aise.

Il semble fondamental de développer une attitude d’ouverture, d’accueil, d’établir un climat de confiance, de dédramatiser la situation, d’éviter de critiquer et enfin de s’exprimer de façon compréhensible.

Les réunions doivent toujours avoir une visée précise, claire et utile pour les familles. Il peut être aussi utile d’organiser des réunions moins formelles : par exemple, de prévoir des réunions par petits groupes de parents pour qu’ils échangent entre eux, qu’ils partagent entre pairs, d’organiser des témoignages de parents vers d’autres parents pour leur permettre de partager ce qu’ils ont vécu à des moments décisifs.

Il faut favoriser un climat de convivialité avec, par exemple, un « pot » à l’issue des réunions. Ce peut être l’occasion de valoriser les représentants des parents, les responsables d’associations auprès de tous.

Il est également nécessaire que les parents ne se sentent pas exclus du travail de la classe, pour leur donner les moyens de suivre ce que réalise leur enfant. Cela peut revêtir la présentation succincte des programmes, notamment en échangeant sur les souvenirs qu’ils peuvent avoir des programmes qu’ils ont pu suivre, la présentation des méthodes de travail, des objectifs, de la programmation du travail de la classe.

Ouvrir la classe aux parents, les informer de la vie de l’établissement font partie des possibles pour mieux impliquer les familles. C’est donner aux parents des occasions de participer à la vie scolaire en les invitant à des sorties avec les élèves pour leur montrer que de telles initiatives font partie pleinement de l’apprentissage scolaire des jeunes, c’est leur proposer d’intervenir, par exemple, dans des ateliers, ou encore organiser des soirées d’échanges sur des sujets de société en rapport avec la discipline enseignée.

Comment valoriser le rôle des parents

Il faut mettre en avant le plus souvent possible les parents, les féliciter fréquemment, les rendre fiers de leur rôle et de leurs enfants. Par exemple, ne pas hésiter à faire des cérémonies pour l’entrée, la sortie des classes, une exposition de dessins, la réalisation d’objets, pour qu’ils se sentent à leur place dans l’école ou encore en leur signalant les progrès et pas seulement les difficultés de leur enfant.

Lors des changements de degré comme le passage école/collège, il est indispensable de se dire en échangeant avec les familles que ce passage n’est pas qu’un changement de lieu ou de niveau, c’est aussi un passage de l’enfance à l’adolescence qui nécessite une action commune de tous les acteurs d’un territoire.

L’enjeu de l’orientation est fondamental pour des parents qui sont, dans leur ensemble, très inquiets pour l’avenir de leur enfant. Pour les préparer avec leur enfant aux enjeux de l’orientation, il est souhaitable d’organiser à la fois des réunions d’information des parents sur l’orientation ou des forums des métiers – avec la participation de parents présentant leur métier –, mais aussi de leur faire découvrir des qualifications ou des diplômes qui n’existaient pas ou peu lorsqu’ils étaient élèves.

Ainsi, le baccalauréat professionnel, créé il y a trente ans, n’a atteint sa pleine mise en œuvre qu’il y a une vingtaine d’années. Très peu de parents savent donc ce qu’il signifie et ce qu’il représente. On peut d’ailleurs dire la même chose de nombreuses formations…

Réussir les rencontres individuelles et collectives

La confrontation des points de vue, qui tient au positionnement propre et singulier de chacun, est nécessaire et enrichissante. Le dialogue entre les deux pôles passe par une reconnaissance de l’autre comme porteur d’une parole différente et un respect de son rôle propre. En outre, chacun, école et famille, a besoin de l’autre pour mener à bien sa mission : l’enseignant doit soutenir l’autorité des parents et réciproquement.

Plusieurs types de rencontres avec les parents d’élèves peuvent se présenter pour l’enseignant :

  • les rencontres circonstancielles : à l’entrée ou à la sortie de l’école ou du collège, lors d’une sortie éducative ;
  • les rencontres obligatoires à la rentrée et pendant l’année concernant le parcours scolaire du jeune ;
  • les rencontres sollicitées par l’enseignant pour évoquer le comportement et/ou les résultats du jeune ou celles sollicitées par les parents.

L’accueil des parents

Il est important que les parents se sentent réellement acteurs dans chacune des réunions et qu’ils s’approprient l’école de leur enfant. Il ne s’agit donc pas seulement de faire des parents des « accueillis » mais d’en faire de véritables acteurs. Cela implique en particulier d’avoir présents à l’esprit les enjeux que représente un bon accueil de l’école, a fortiori pour les familles de milieux défavorisés et celles d’origine étrangère.

L’un des premiers lieux d’accueil possible est celui de la classe. On peut se demander dans quelle mesure le fait de faire asseoir les parents dans la salle de classe de leur enfant n’est pas susceptible de raviver les souvenirs – pas toujours bons – de leur scolarité ou de les infantiliser. Autant de mauvaises conditions pour engager le dialogue ! En revanche, la salle de classe peut être utilisée pour informer les familles sur les apprentissages et montrer des réalisations de leurs enfants.

Clarifier les objectifs de la rencontre

Quelques pistes pour que la rencontre soit efficace :

  • Préparer une liste des idées qu’on veut aborder.
  • Débuter toujours la rencontre en mettant en avant une réalisation réussie du jeune.
  • Si la rencontre est susceptible d’entraîner un conflit, réfléchir à la possibilité d’un tiers présent lors de la rencontre (chef d’établissement, responsable de l’association des parents d’élèves, personnel d’un centre social, animateur de la municipalité…).
  • Être toujours très précis sur le message destiné à la famille : au besoin, ne pas hésiter à faire des fiches pour étayer son constat.
  • Être attentif à écouter les inquiétudes, les préoccupations, le questionnement des familles.
  • Expliquer calmement le diagnostic sur la situation du jeune. Laisser l’interlocuteur présenter le sien et éviter de l’interrompre.
  • Toujours faire reformuler certaines analyses ou propositions afin de s’assurer d’une bonne compréhension par les parents.
  • Rester le plus pondéré possible et ne pas adopter une attitude défensive par rapport à d’éventuelles manifestations de colère.
  • Ne pas rendre responsable le ou les parents des problèmes que peut rencontrer l’enfant.
  • Essayer avec la famille de découvrir ce qui a pu produire la difficulté dans les apprentissages ou le problème de comportement au lieu de se précipiter sur l’énoncé de solutions.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire lors d’une rencontre parents/enseignants :

  • Se laisser accaparer, déborder lors de la rencontre et ne pas pouvoir développer les éléments essentiels.
  • Adopter une attitude fataliste vis-à-vis du jeune : « il n’y a plus rien à faire… » ; « son frère, sa sœur était déjà comme ça… ».
  • Se mettre en situation de se justifier systématiquement pour prouver que, sur tous les points évoqués, on est le seul à avoir raison et que les parents ont tort.
  • Blâmer l’attitude de la famille vis-à-vis de l’école.
  • Penser que l’on sera seul en capacité de résoudre tous les problèmes. Il ne faut jamais hésiter à conseiller aux parents de consulter d’autres professionnels.
  • Ne jamais faire appel à des « médiateurs » possibles : délégués des parents de la classe, responsables de l’association de parents d’élèves de l’établissement.
  • Si les parents deviennent plus agressifs, il ne faut surtout pas répondre sur le même ton.
  • Enfin, il vaut mieux parfois se parler que d’écrire « à chaud », sous le coup de la colère après une situation difficile. Le mot écrit laisse une trace ineffaçable. Il faut donc être extrêmement prudent dans son utilisation.

Tenir un historique des rencontres

Les rencontres avec les familles sont organisées en vue d’une meilleure réussite du jeune. Il est donc important pour l’enseignant de tenir un cahier des rencontres pour ne pas être pris au dépourvu par rapport à un questionnement précis de la famille faisant écho à une situation évoquée dans un rendez-vous précédent.

Dans cet historique, il apparaît indispensable d’indiquer pour chaque rendez-vous :

  • Qui a provoqué le rendez-vous ?
  • Quelles informations ont été données par l’enseignant, par la famille ?
  • Quelles questions ont été laissées en suspens et doivent faire l’objet d’un entretien ultérieur ?
  • Quelles décisions ont été prises et comment s’est déroulé le suivi ?
  • Quelles sont les potentialités de travail en commun avec la famille ou quels sont les problèmes posés par cet entretien ?
  • Souligner l’évolution de l’enfant en termes de comportement ou de réussite scolaire.
Vos commentaires, vos questions, votre témoignage...