En partenariat avec Canopé Éditions, découvrez « le métier d’enseignant spécialisé », à travers des extraits du livre. Cet ouvrage s’adresse aux enseignants généralistes souhaitant découvrir le champ de l’éducation inclusive et se spécialiser. Les candidats au nouveau Cappei y trouveront de nombreux outils pour préparer ce nouvel examen. Cet ouvrage s’organise en trois parties qui proposent une mise à jour sur les grands enjeux de l’école inclusive, une présentation du renouveau de la formation professionnelle spécialisée et une réflexion sur les adaptations des pratiques professionnelles in situ qui en découlent.
Ouvrage coordonné par Diane BEDOIN
Canopé Éditions – Collection Maîtriser –Décembre 2018
112 pages – ISBN 978-2-240-04905-6 (existe en version numérique)
De l’éducation spécialisée à l’inclusion
« Au fil des années et après une longue évolution, nous sommes passés de l’éducation spécialisée à l’enfance inadaptée puis à l’adaptation et l’intégration scolaire et enfin à l’inclusion scolaire. Cette lente évolution est certes le fruit de la maturation de notre société mais aussi le résultat de l’engagement des acteurs de l’enseignement spécialisé qui ont, au quotidien, expérimenté, créé, fait des propositions originales qui ont abouti à de nouvelles formes et dispositifs de scolarisation et de nouveaux concepts.
Cette mutation, qui n’est résolument pas terminée, conduit aujourd’hui à la notion d’école inclusive sur laquelle de nombreux professionnels sont encore en discussion. Cela témoigne de la fragilité des avancées mais aussi de la volonté de chacun, quelles que soient sa mission et sa position dans le système scolaire spécialisé ou non, de suivre la voie qui a été ouverte. »
Laurent Maire, Inspecteur du premier degré, conseiller technique ASH du recteur de la région académique Normandie
Confrontés à des élèves à BEP (Besoins éducatifs particuliers) de plus en plus nombreux, certains enseignants se lancent dans la formation spécialisée pour obtenir davantage de réponses. Ils aspirent d’abord à devenir des experts dans l’identification des besoins propres à chaque élève et dans la proposition d’adaptations pertinentes. Ils ont ensuite la volonté de développer une expertise en tant que personne ressource auprès des collègues dans leur établissement scolaire et à l’extérieur. Enfin, forts de leur formation et de leur expérience, ils visent à adopter une posture d’enseignants spécialisés, aussi bien dans les représentations que dans les pratiques, et ce en vue d’une plus grande reconnaissance de leurs fonctions.
Les enseignants spécialisés exercent en école, au collège, au lycée, en établissements médicosociaux ou hospitaliers, dans le secteur public, le secteur privé ou le milieu associatif. Ils aident ou encadrent des élèves en grande difficulté dans un réseau d’aide ou sur un dispositif Ulis, en Segpa, en unités d’enseignement. Ils ont vu leurs missions se complexifier sur le terrain. Ils sont d’abord au service des élèves par la mise en place d’adaptations pédagogiques et d’aménagements d’examens, pour répondre au plus près à leurs besoins. Ils sont ensuite au service des collègues en leur prodiguant des conseils et en leur proposant des ressources. Ils sont enfin au service de l’école pour tous, plus généralement, en nouant des partenariats et en étant reconnus comme interlocuteurs privilégiés. Les enseignants spécialisés deviennent ainsi des promoteurs de l’éducation inclusive à travers des actions de sensibilisation, d’information, de valorisation à destination des élèves eux-mêmes, des professionnels de l’éducation, des partenaires de l’école ou encore des familles.
Pourquoi devenir enseignant spécialisé ?
Le processus de massification scolaire de la seconde moitié du XXe siècle ainsi que les grandes lois sur le handicap et l’inclusion du début du XXIe siècle ont conduit à l’accroissement de la diversité des élèves. La volonté d’accueillir tous les élèves, quelle que soit leur différence, se traduit par une nécessaire adaptation de l’école, mission pour laquelle les enseignants n’étaient pas véritablement préparés.
Pour certains enseignants, comme Adèle et Héloïse, ce changement de public a été le facteur déclencheur. Adèle rencontrait « des difficultés avec une classe de CAP à public réservé » et se sentait « démunie face à ce nouveau public ». En effet, certains CAP avaient un accès prioritaire. Ils étaient réservés – tout ou partie – à des publics spécifiques comme les élèves de 3e Segpa. Aujourd’hui, tous les CAP sont ouverts à tous les publics. Héloïse, confrontée à « la présence d’élèves dys et d’élèves avec troubles de l’attention avec hyperactivité » dans ses classes, a voulu les aider.
Ainsi, le nombre croissant d’élèves à BEP inclus dans le milieu ordinaire a bousculé les pratiques des enseignants. Ils considèrent qu’ils manquent de temps pour s’occuper des élèves en difficulté et qu’ils ne font pas suffisamment pour eux. Ils se posent donc de plus en plus de questions et sont souvent frustrés de ne pouvoir aider davantage leurs élèves. À la recherche de conseils, d’outils et de réponses pédagogiques, ils s’inscrivent dans la formation pour devenir enseignants spécialisés. D’autres enseignants sont « arrivés » dans le handicap, par hasard, au gré des affectations.
Parmi les 36 enseignants ayant intégré, en septembre 2017, la formation préparatoire au Cappei à l’Espé de l’académie de Rouen, 7 sont concernés : affectation au 3e mouvement, remplacement en REP, décharge en IEM… Si, au départ, ils ont subi leur affectation auprès d’élèves dits en difficulté, ils n’ont pas fui pour autant.
Bien au contraire, ils ont poursuivi, motivés par leur engagement dans la profession d’enseignant. Ils ont même trouvé l’année « enrichissante, d’une part, par les rencontres avec les professionnels de divers horizons, et, d’autre part, par le travail avec les élèves en situation de handicap », écrit Marina en formation Cappei. Ils prouvent donc que travailler avec des élèves en situation de handicap redéfinit le métier.
Leur témoignage est confirmé par Élise et Adèle ayant une UPI « troubles des fonctions cognitives » dans leur établissement : l’une a enseigné les mathématiques aux élèves de l’unité, l’autre les a accompagnés lors d’une sortie scolaire et « a trouvé ce public attachant ». Ni l’une ni l’autre ne connaissait vraiment le domaine du handicap ; aussi, Élise ne se sentait « pas légitime de s’occuper de ces jeunes sans un minimum de base ». En suivant la formation du 2CA-SH, elle avait pour « objectif de répondre au mieux aux besoins des élèves ».
Il est souvent dit qu’entrer dans l’ASH ne relève pourtant pas du hasard. Certes, certains, comme Sébastien, repérés pour leurs compétences et leurs qualités auprès des élèves du milieu ordinaire, ont été cooptés par leur hiérarchie : chef d’établissement, IEN et collègue enseignant spécialisé partant à la retraite… Si cette orientation ne leur est pas venue spontanément à l’esprit, ils ont sans regret franchi le pas vers l’enseignement spécialisé : l’un pour devenir coordonnateur du dispositif Ulis, l’autre pour travailler en Rased et pour qui « l’aspect social de la fonction » a du sens.
D’autres enseignants sont au contact avec le handicap pour des raisons familiales : une mère aide médicopsychologique (AMP) auprès d’adultes polyhandicapés (Claire), une fille monitrice-éducatrice (ME) auprès d’enfants et adolescents autistes (Valérie), une Clis à l’école de ses enfants (Élise), etc.
Claire précise : « Ma mère m’a énormément parlé de son travail et m’a apporté de nombreuses valeurs sur le respect et la bienveillance auprès des personnes handicapées. J’ai toujours gardé en tête que je voulais travailler et me rendre utile auprès des personnes porteuses de handicap. Puis, au fil des années, j’ai découvert l’enseignement et le plaisir de travailler auprès de jeunes enfants : l’enseignement spécialisé était donc un parfait compromis. » Ces partages d’expériences au sein de la cellule familiale ne peuvent que sensibiliser les uns et les autres au handicap.
D’autres enseignants, encore, ont une problématique personnelle à résoudre, comme Mélanie qui, après 25 ans en tant que professeure des écoles, a ressenti le « besoin personnel de changer de poste ». Devant le nombre grandissant des élèves à BEP, elle a eu « besoin d’une pause pour réfléchir et surtout pour changer ses pratiques pédagogiques ». Quant à Valérie, elle a mal vécu son retour au travail après une année d’absence pour maladie. En souffrance face à ses élèves, elle a exprimé le « besoin de s’éloigner du milieu ordinaire » qu’elle considérait comme « trop violent » pour trouver « refuge dans le handicap », univers dans lequel elle se sentait « plus à sa place » car « plus bienveillant ». La formation et l’entrée dans le métier d’enseignant spécialisé sont parfois une « thérapie, un sentiment d’apaisement » en venant en aide aux autres, aux élèves plus encore en difficulté.
Enfin, nombreux sont les enseignants spécialisés qui ont des enfants touchés par le handicap : une fille autiste pour Héloïse, un enfant TDA/H, un enfant handicapé mental pour deux autres enseignants engagés dans la formation Cappei. Après avoir cherché les réponses pour leur propre enfant et obtenu de nombreuses informations, Marie a eu « envie de s’en servir pour tous les autres ».
Si les raisons sont diverses, ces enseignants spécialisés ont un point commun : ils ont tous eu envie d’entrer en formation pour apporter de réelles réponses aux BEP de leurs élèves.
L’examen du Cappei est composé de trois épreuves, chacune ayant pour objectif d’évaluer les compétences du candidat sur l’une des trois dimensions du métier d’enseignant spécialisé :– faire preuve d’une expertise pédagogique, didactique ou éducative dans les réponses apportées au regard des besoins des élèves ;– montrer des capacités de réflexivité, de prise de recul, d’innovation à propos de son contexte professionnel ;– rendre compte d’une action de partenariat en position de personne-ressource.
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