Souvent réduite à l’accueil des élèves hors du temps de cours et à l’application du règlement intérieur, la vie scolaire a une vocation plus vaste qui vise à organiser et animer le cadre de l’action éducative et de la citoyenneté dans l’établissement. Aujourd’hui, contribuant à la pédagogie et l’évaluation du socle commun, elle est partie prenante dans le management de la refondation de l’école.
Quatre questions à Christian VITALI, conseiller principal d’éducation au lycée Malherbe de Caen durant de nombreuses années, responsable de formation et chargé de cours à l’IUFM de Caen, actuellement chargé de cours à l’ESPE de Rouen, ainsi qu’au CNED de Lyon et de Lille pour la préparation au concours de CPE, et longtemps rédacteur en chef de La Revue de la Vie scolaire.
Il vient de publier Nouveaux enjeux pour la vie scolaire – Mutations et variations aux éditions Hachette Éducation.
Pourquoi évoquer la vie scolaire ?
Il est urgent de se ressaisir de la vie scolaire aujourd’hui car elle apporte une réponse globale, remet de l’ordre et du sens au sein de l’école qui ressemble de plus en plus à un champ de bataille où s’affrontent quotidiennement des parents d’élèves, des corporatismes, des lobbies, des politiques de tous bords.
C’est pourquoi on assiste à l’explosion de micro-réformes qui focalisent l’attention sur des aspects partiels comme le climat scolaire, le bien-être, l’autonomie de l’établissement, le décrochage, le harcèlement, la laïcité, le latin ou les langues européennes. Ces tentatives souvent mal comprises, apparaissent dispersées et concurrentielles, ajoutant de la crise à la crise.
Cependant, avec la vie scolaire, un ensemble se dessine. Une vision compréhensive de l’évolution scolaire se substitue aux mouvements erratiques de la réforme. Elle montre que tout est lié : il ne suffit pas d’organiser l’acquisition des savoirs, il faut penser l’élève en relation avec sa construction identitaire, son inscription dans une temporalité sociale, culturelle, et politique.
Comme l’indiquent des auteurs comme Edgar Morin ou Marcel Gauchet, un nouveau paradigme de l’éducation s’impose, on a besoin d’une représentation globale autour des changements profonds dans les processus de transmission de la culture.
En quoi consiste cette nouveauté dans l’école ?
Si l’on parle de nouveaux enjeux, c’est parce que la vie scolaire participe d’un renouvellement profond de l’action éducative. Apparue après 1968, avec l’épuisement de l’autorité républicaine, elle concernait principalement les méthodes d’éducation.
Aujourd’hui, le problème est tout autre car il concerne les finalités de l’école. Il s’agit de répondre aux ruptures fondamentales issues de la culture numérique et de la mondialisation libérale. Il ne s’agit plus de donner accès à l’autonomie, mais de savoir que faire avec des jeunes ultra-indépendants, certes connectés aux réseaux sociaux et à la consommation, mais coupés des bases historiques et culturelles de la société.
Le problème majeur de l’école, c’est le déclin de l’institution éducative : l’incapacité familiale et scolaire de contenir et d’étayer la construction identitaire des adolescents. L’école devient ainsi une forteresse vide accueillant des jeunes sans repères, se socialisant entre eux, au gré des événements de la vie juvénile.
La « désinstitutionalisation » met à mal l’organisation pédagogique car elle fait surgir un élève « sauvage », étranger au temps, à la loi, à l’autorité, à l’autre, au bien commun et au savoir. Avant d’être élève, l’adolescent pulsionnel et tribal exige du respect et veut être reconnu !
Ces questions inédites exigent de reconstruire les « conditions de l’éducation » (Marcel Gauchet). Les nouveaux enjeux de la vie scolaire participent de cette entreprise de « refondation de l’école » initialisée avec le socle commun en 2005.
Quelles sont les problématiques développées sur le terrain ?
Les problématiques de vie scolaire sont surtout transversales, elles procèdent du socle commun et irriguent le champ pédagogique afin que les élèves tirent profit de l’enseignement pour se construire une personnalité autonome, responsable, impliquée dans la vie sociale.
C’est pourquoi l’éducation porte sur le droit, la loi, l’obligation scolaire, la laïcité, les valeurs de la république, le harcèlement, la civilité, la citoyenneté. Ces notions sont élucidées dans le cadre de protocoles pédagogiques d’expression. Il ne s’agit pas d’assener des vérités mais de lever les amalgames et les tabous qui font obstacle au débat et à la liberté de conscience.
Même si l’on est là pour intervenir en cas d’incidents, l’enjeu est d’abord d’anticiper les problèmes et d’offrir un cadre normatif élaboré collectivement au niveau de l’établissement. Mais bien sûr, cela suppose de revoir les habitudes professionnelles.
Quelles sont les transformations du champ professionnel ?
On a récemment reformulé le référentiel des métiers de l’enseignement et de l’éducation. Ce n’est pas un hasard. Le chantier de l’école est immense.
S’agissant de créer de toutes pièces un « effet institutionnel » cohérent, la construction de la vie scolaire a moins besoin de circulaires que d’engagements collectifs, réflexifs, éthiques et responsables qui débouchent le plus souvent sur un remaniement volontaire des pratiques professionnelles et de la division du travail éducatif.
Cette révolution du travail collectif procède d’une histoire patiente qui commence à peine, mais c’est la seule façon de relever le défi de la légitimité de l’école de demain.
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