Plus d’un enseignant sur deux est concerné par des troubles de la voix. Ces troubles sont directement liés à leur métier et ils impactent à la fois leur qualité de vie et la qualité de leur enseignement. Et en cette rentrée particulière où la situation sanitaire oblige les enseignants à porter un masque en classe et donc à parler plus fort pour être compris des élèves, ce risque professionnel est multiplié. Voici comment le prévenir.

Selon une étude de la MGEN menée en 2015 auprès de 5 000 enseignants, 13 % présentaient un handicap vocal modéré à sévère, 16 % avaient été dans l’impossibilité de faire cours à cause d’un problème de voix depuis le début de l’année scolaire, 23 % avaient déjà consulté pour un problème de ce type.

En cause : une charge vocale particulièrement importante. Les enseignants utilisent en effet leur voix plusieurs heures par jour et dans des conditions particulières : ils prennent souvent l’habitude de parler fort pour être entendus et écoutés de tous leurs élèves, dans un environnement parfois bruyant et mal insonorisé.

Les conséquences sont importantes. Soit l’enseignant n’est plus en mesure d’exercer son métier, ponctuellement ou durablement, soit il se retrouve face aux élèves avec une capacité vocale réduite : il manque alors de vitalité, de confiance en lui et voit son stress augmenter. La transmission pédagogique, étroitement liée à la santé vocale de l’enseignant, perd donc en qualité.

Les pathologies de la voix : des risques méconnus ou négligés

Les divers organes mobilisés pour fabriquer le son peuvent présenter des dysfonctionnements à l’origine de gêne, de douleur ponctuelle ou de trouble plus persistant. Une altération de la fonction vocale, ou dysphonie, si elle se prolonge, peut entraîner des lésions qu’il faut alors soigner sans attendre. Les oedèmes, nodules et autres lésions des cordes vocales par exemple, peuvent être à l’origine d’une extinction de voix totale.

Le plus souvent, un peu de repos suffit et tout rentre dans l’ordre, mais, parfois, une rééducation auprès d’un orthophoniste s’impose.

Certaines lésions peuvent nécessiter une intervention chirurgicale. Les origines des troubles sont plus souvent fonctionnelles qu’infectieuses : les organes de la voix fatiguent et s’abîment quand nous les sollicitons trop… ou mal.

Problème avec votre voix ? Les principaux symptômes :
Laryngite — Enrouement — Difficulté à être entendu — Difficulté à parler fort — Voix se fatiguant facilement — Voix qui se casse — Aphonie — Paresthésies de gorge — Douleur dans le cou — Hemmage (raclement de gorge) — Sécrétions abondantes…

Source INRS, 2004

Comment prévenir les troubles de la voix ?

Dans le cadre de leur formation initiale et continue, les enseignants peuvent bénéficier d’ateliers de pratique vocale animés par des médecins (phoniatres, ORL), des orthophonistes, des comédiens, des professeurs de chant et des praticiens de diverses méthodes de travail corporelles bénéfiques pour la santé vocale.

Corinne Loie, orthophoniste chargée de prévention pour MGEN, est en charge des formations sur la voix. Elle nous dévoile leur contenu.

Comment se déroulent ces formations ?

Les actions se déroulent très souvent en présentiel, sous la forme d’ateliers d’une durée de trois heures. Il existe aussi un parcours hybride dont la partie numérique est hébergée sur la plateforme d’enseignement à distance de l’Éducation nationale : M@gistère.

Celui-ci a été conçu selon ce format : trois heures en présentiel, trois heures à distance. Les objectifs de ces actions innovantes sont de sensibiliser les enseignants en très peu de temps à la préservation de leur capital vocal, tout en leur donnant les moyens d’être autonomes dans cette démarche.

Tout d’abord leur sont présentés très rapidement l’« instrument voix » et son fonctionnement. Les informations en anatomie et physiologie sont pertinentes pour démontrer que parler génère un important stress mécanique susceptible de mettre son larynx en danger si l’on utilise mal son appareil vocal.

En effet, malmené ou surmené, le larynx, après avoir dysfonctionné, va réagir pour soutenir la charge vocale. C’est alors qu’on observe l’apparition de lésions la plupart du temps bénignes, mais qui peuvent parfois nécessiter une opération.

Une opération des cordes vocales doit toujours être suivie d’un arrêt de travail d’un mois environ et être encadrée par une rééducation orthophonique en amont de l’intervention, puis en aval. En termes de frais de santé, ces chirurgies reviennent cher ! C’est pourquoi les actions de prévention donnent aux participants les moyens de détecter les signaux d’alerte, les informent sur les spécialistes de la voix à consulter en cas de problème et sur les démarches à effectuer auprès de l’employeur.

Les intervenants dispensent également les éléments de technique vocale qui permettent de mieux supporter la charge vocale. Inviter les participants à s’interroger sur la représentation qu’ils ont de leur propre voix est un axe primordial ! Les amener à prendre conscience des gestes inadaptés est indispensable !

Par exemple certains enseignants placent leur voix dans la gorge, d’autres dans le nez, d’autres encore n’osent pas parler fort ou au contraire ne parviennent plus à baisser l’intensité de leur voix….

Ces usages déviants sont souvent liés à des représentations véhiculées par notre société, notre culture : chez les enseignants, on constate par exemple que les femmes qui aggravent leur voix sont en quête d’autorité…

La sensibilisation passe par une déconstruction des habitudes respiratoires, posturales ou articulatoires.

On donne des exercices qui permettent au cerveau de ressentir autre chose que ce dont il a l’habitude afin qu’il puisse ensuite proposer d’autre schémas d’actions beaucoup plus économes en dépense d’énergie et en tensions.

Il est important qu’il y ait un avant l’exercice et un après, important aussi que les participants verbalisent individuellement leurs sensations corporelles et auditives avec leurs propres mots : « Quelles différences ressentez-vous ? La voix est-elle plus chaude, le timbre plus harmonieux, qu’est-ce que vous faites avec votre corps pour parvenir à ce résultat-là ? »

À l’écoute de lui-même, chaque enseignant va alors dégager les éléments qui lui sont bénéfiques, les isoler avant de tenter de les reproduire dans la pratique professionnelle. Ce sont les participants eux-mêmes qui élaborent leur propre parcours de prévention et les orientations à privilégier.

Cependant, soyons honnêtes ! La technique vocale ne suffit pas. Il faut encore se pencher sur les pratiques pédagogiques, sur l’environnement acoustique et sonore : comment faire pour s’économiser, c’est-à-dire pour parler moins en classe. Comment parvenir à diminuer les bruits ambiants, à choisir le lieu où sa voix sonne le mieux.

Ce sont souvent des petites ruses toutes simples qui seront d’une précieuse aide : placer des balles de tennis sous les pieds de chaises, des sets sur les tables… en attendant que l’Éducation nationale tienne compte des lois acoustiques dans la construction des collèges/ lycées ou l’aménagement des écoles !

Y a-t-il des personnes plus sujettes aux problèmes de voix ?

Certains facteurs en partie liés à l’hygiène de vie et à la santé favorisent les problèmes de voix, plus particulièrement :

  • Les troubles du sommeil, fréquents chez les jeunes enseignants.
  • Les troubles ORL : un simple rhume peut dégénérer en extinction de voix.
  • Les troubles du comportement alimentaire : quand on s’alimente mal, ou lorsque l’on est stressé, des sécrétions acides peuvent remonter de l’estomac par l’œsophage, et venir déborder en haut vers la trachée où sont logées les cordes vocales, et abîmer la muqueuse dont elles sont recouvertes.
  • La santé mentale : voix et émotions ne font pas bon ménage. Or la vie des enseignants est loin d’être un long fleuve tranquille !…

Certains enseignants se retrouvent même aphones après un choc ou pendant une période difficile. En effet le larynx est un sphincter qui peut se serrer involontairement, créant une voix cassée, éraillée. Dans ces cas, quelques séances chez un orthophoniste peuvent suffire, mais il est parfois utile de consulter un psychologue.

Quels petits « trucs » ou exercices quotidiens conseillez-vous ?

D’après les travaux des chercheurs, on sait que la charge vocale est beaucoup mieux supportée si l’enseignant :

  • ne parle pas trop fort ;
  • a de bons éléments de technique vocale ;
  • s’hydrate en classe ;
  • fait un petit échauffement vocal avant sa journée de travail.

Pour préparer votre voix avant la classe, commencez par détendre vos épaules en les bougeant, puis assouplissez votre mâchoire en ouvrant et en fermant la bouche très lentement et très doucement, adoptez une respiration qui mobilise à la fois le ventre, les côtes, le thorax et le dos. Ce n’est qu’ensuite que vous vous entraînerez à vocaliser (avec l’application « Vocal’IZ » par exemple).

Il est indispensable de pratiquer avant la rentrée de septembre et après chaque période de vacances. Sinon c’est comme faire un grand écart de french cancan à froid !

Après une journée riche en émotions, vous éprouvez le besoin de reposer votre voix : allongez-vous dix minutes au sol, sur un tapis, la tête éventuellement légèrement surélevée, les genoux repliés ou non, et laissez aller la masse musculaire : détendez vos muscles. Rééquilibrer, réaligner sa colonne vertébrale au sol vous permet souvent de retrouver une respiration correcte, source d’efficience vocale.

Il existe un autre exercice pour se reposer la voix : tirez lentement la langue et faitesla descendre vers le menton en passant sur la lèvre inférieure. Il faut amener la langue vers l’avant par le fond et non pas la tirer vers l’avant par la pointe !

À condition de prendre son temps pour réaliser précisément le mouvement, cet exercice est très efficace quand on a parlé longtemps, qu’on a une boule dans la gorge qui serre et fait mal. Il détend, permet une déglutition plus fluide et fait revenir la voix !


Comment ne pas être un prof idéal et éviter le burn-out : Emmanuelle Piquet vous apporte des solutions avec humour et empathie.

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