Il y a un collègue que vous allez côtoyer de près, pendant votre année de stage : c’est votre « tuteur terrain ». Laurent, professeur d’anglais de 41 ans, en est un depuis le début de sa carrière : il vous explique comment il perçoit son rôle et vous donne ses conseils pour réussir au mieux l’année de votre titularisation.

Pendant l’année de stage, parmi tous les professionnels que vous allez rencontrer à l’Inspé comme dans votre école, votre collège ou votre lycée d’affectation, l’un d’eux en particulier va jouer un rôle fondamental et privilégié auprès de vous : c’est le « tuteur terrain ».

Ce professeur en fonction est chargé de vous accompagner au sein même de votre établissement et de votre (vos) classe(s) : entre conseil et évaluation, quel est précisément son rôle ? Que pouvez-vous attendre de lui ? Et lui, qu’attend-il de vous ? Voici les réponses de Laurent, professeur d’anglais en collège et tuteur d’enseignants stagiaires depuis 17 ans.

Quand et comment êtes-vous devenu tuteur ?

J’ai commencé mon travail de tuteur lors de ma première année d’enseignement (2002). Je savais que les responsables de formation avaient beaucoup de mal à en trouver. J’avais vécu cette difficulté l’année précédente. Notre formatrice avait rencontré beaucoup de portes fermées.

Aussi, je me suis dit que j’étais « redevable » d’une certaine manière auprès de l’institution qui m’avait formé. J’ai recontacté mon ancienne formatrice en lui indiquant que ma porte était ouverte. Depuis, on m’a confié en moyenne un stagiaire par an sur 17 ans d’enseignement.

Quel intérêt y trouvez-vous pour vous-même ?

Dans notre métier, nous avons peu d’occasions de recevoir des informations, des retours critiques sur notre pratique. Les inspections sont des moments de formation, certes, mais ils interviennent trop irrégulièrement à mon sens et avec trop de délais d’une inspection à l’autre.

J’ai toujours conçu le fait d’être tuteur comme étant une possibilité de me former : par le regard, les questions posées par les stagiaires dans un premier temps, puis par les apports théoriques proposés par ces mêmes stagiaires dans un second temps.

Pour moi, mon travail de tuteur a toujours été « donnant-donnant ». Je t’aide à devenir enseignant mais tu m’aides aussi à améliorer ma pratique.

Quelle formation à ces fonctions avez-vous reçue ?

J’ai suivi des formations au début de chaque année scolaire pendant laquelle j’ai accueilli des stagiaires en responsabilité pour remettre mes connaissances à jour sur les dispositifs de formation et des journées avec des thèmes spécifiques en fonction de difficultés rencontrées par le stagiaire.

Qu’attendez-vous de votre stagiaire ?

Une très grande ouverture d’esprit pour commencer ! La relation tuteur-stagiaire implique de l’écoute, de l’attention et de la diplomatie (trouver les mots justes pour dire les choses).

Un fort degré d’analyse est évidemment un atout formidable pour réfléchir aux situations rencontrées en classe (celle du tuteur ou celle du stagiaire), doublé de très bonnes bases en didactique et dans sa discipline.

Que peut attendre de vous votre stagiaire ?

Ah … Très bonne question. Le stagiaire peut attendre des réponses, c’est légitime quand on commence un métier. Mais il n’en aura pas. Je proposerai des pistes à explorer. Les réponses sont à trouver par chacun.

C’est un concept avec lequel j’avais du mal quand j’étais moi-même stagiaire, c’est pourquoi je l’adapte aussi… Je confie des réponses dans les situations d’urgence bien entendu.

Il peut aussi attendre une grande écoute, une grande attention et une envie de partager des ressources ou des conseils.

Quelle est, d’après vous, la fréquence idéale pour les visites du stagiaire dans la classe de son tuteur ?

Une fois par semaine lors de la première période puis une fois tous les 15 jours.

Et pour les visites du tuteur dans la classe de son stagiaire ?

Une fois par semaine lors de la première période puis une fois tous les 15 jours ensuite. La mise en place d’un calendrier me semble indispensable pour éviter de générer du stress. Nous travaillons entre adultes professionnels, il me semble important de communiquer les dates aux stagiaires.

Quel est votre rôle dans l’évaluation et la titularisation du stagiaire ? Comment le vivez-vous ?

Le travail de tuteur est une partie de l’évaluation des stagiaires seulement. Cela a un caractère rassurant : la titularisation ne repose pas que sur l’avis du tuteur mais aussi de ses autres responsables de formation. De ce fait, j’ai toujours bien vécu mon travail.

Par ailleurs, il existe un rapport intermédiaire (courant janvier) qui donne des indications au stagiaire mais aussi à notre hiérarchie sur le travail accompli par le stagiaire. Personne n’est pris au dépourvu. C’est un très bon dispositif.

Avez-vous déjà rencontré des difficultés dans vos fonctions de tuteur ?

Oui, bien sûr. Certains stagiaires rencontraient de réelles difficultés pour faire travailler les élèves, maintenir un certain calme en classe et tenir compte des remarques des formateurs Inspé ou les miennes.

Quelles difficultés/erreurs sont fréquentes chez un stagiaire ?

Ne pas croire qu’ils peuvent réussir ! Ils confondent pour la plupart retour critique et auto-flagellation. Ils ne pensent pas qu’ils peuvent faire de bonnes choses. C’est faux bien entendu !

Il y a aussi ceux qui pensent déjà tout connaître et ne tiennent pas compte des conseils. Dans ces situations-là, il faut savoir rester humble et garder en tête qu’on apprend tout au long de notre carrière.

LES 6 CONSEILS DE LAURENT

1- Le premier contact avec le tuteur :

Souris, écoute, pose des questions (même si elles te semblent farfelues), montre-toi curieux/se sur le métier, sur ton tuteur !

2- Le premier cours avec une classe :

Souris, fais-toi confiance, tu as travaillé/réfléchi, tout va bien se passer, souris encore (pas bêtement mais parce que tu es content/e de faire ce métier).

3- L’intégration dans l’équipe pédagogique :

Souris, écoute, pose des questions !

4- Le premier conseil de classe :

Souris, présente-toi, sois clair, concis, ne te perds pas en commentaires inutiles, va à l’essentiel.

5- Le premier conflit avec un élève :

Souris (si tu peux…), retarde le moment entre la discussion et une punition/sanction (s’il y a lieu), prends de la distance, ne réagis pas à chaud, quand tu as pris ta décision, sois ferme.

6- Comment devenir un prof épanoui : 

Souris ! Ne passe pas tout ton temps à travailler, trouve une bouée de sauvetage, une bulle d’oxygène, fais du sport ! Fais les exercices/évaluations que tu donnes à tes élèves. Sois indulgent (avec les élèves mais aussi avec toi), pose-toi des questions, rate, recommence et rate encore mieux.

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