Notation des élèves : l’école française doit-elle revoir sa copie ? C’est ce que suggèrent les rapports du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), publiés à la fin de l’année 2014. Des conclusions qui semblent correspondre à la volonté affichée du Gouvernement de réformer le système d’évaluation. La note sur 20 bientôt remplacée par une pastille verte ? Quelles conséquences pour l’enseignant et ses élèves ?

« Changer le rapport des élèves français à l’erreur, à la faute, à l’échec », telle est l’ambition de Benoît Hamon, alors ministre de l’Éducation nationale, lorsqu’il lance en juin 2014 la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves.

C’est à l’occasion de la clôture de cette conférence en décembre 2014 que le Cnesco a publié le bilan de son enquête sur les différents modes d’évaluation des élèves dans les pays de l’OCDE, comme en écho au contenu du rapport du Conseil supérieur des programmes (CSP), remis au cabinet du Ministre deux semaines plus tôt, et proposant de révolutionner notre système d’évaluation.

Les conclusions de Nathalie Mons, présidente du Cnesco, sont sans appel : « Face à ce quasi-immobilisme réglementaire français, les autres pays de l’OCDE ont progressé pas à pas depuis plusieurs décennies. » Cependant les visites de Najat Vallaud-Belkacem en novembre dernier à des « écoles sans notes » pourraient être le signe que le « Mammouth » a bien décidé de quitter sa torpeur.

Pourquoi changer le système d’évaluation ?

L’idée phare du rapport du Conseil supérieur des programmes comme de l’enquête du Cnesco est simple : en finir avec les notes « sanction ». Pour cela, un principe d’action : la bienveillance.

Ces études avancent que trop souvent, la note est un couperet qui s’abat brutalement sur l’élève, en se focalisant sur les lacunes et échecs, sans prendre en compte les progrès.

La note sur 20 serait par ailleurs trop générale : elle ne permettrait pas de rentrer dans le détail en identifiant les points précis à travailler dans une matière ni de marquer les paliers de progression.

De plus, pour le Conseil supérieur des programmes, la pondération des notes par des coefficients a un impact pédagogique négatif. Elle serait le signe qu’une matière est plus importante qu’une autre, ce qui permet à l’élève de choisir les matières à travailler en priorité, contrairement à l’idée d’acquisition globale d’un niveau de connaissances.

Enfin, la fameuse et redoutée « moyenne générale » ou moyenne de moyennes, fondement des classements et de leurs conséquences plus ou moins heureuses, est critiquée comme ne fournissant « aucune indication sur les apprentissages des élèves et devrait donc être abandonnée. »

Le système de compensation des notes peut en effet permettre à l’élève de faire l’impasse sur une partie des connaissances qu’il est pourtant censé acquérir : 7/20 en math et 13/20 en français donnent un 10/20 de moyenne malgré d’importantes lacunes dans l’une des deux matières.

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Par ailleurs, ces dysfonctionnements et cette menace permanente de la mauvaise note ont des conséquences non négligeables sur les enfants, selon certains ardents défenseurs de la suppression des notes.

C’est ce que pense le célèbre pédopsychiatre Marcel Rufo selon qui les mauvaises notes sont un véritable « traumatisme répétitif » troublant l’équilibre psychique de l’enfant. Elles seraient même à l’origine d’une consultation sur deux à son cabinet.

Un constat renforcé par les conclusions d’une étude du Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) montrant que parmi les élèves des pays de l’OCDE, les jeunes Français font partie de ceux dont la proportion d’absence de réponse aux questions est la plus élevée.

Ces résultats ont été analysés comme manifestant que les élèves Français craignent plus que les autres de commettre une erreur ou d’être hors sujet. De fait les études comparatives comme celle du Pisa ou celle du Cnesco révèlent que le système d’évaluation français sanctionne plus durement les erreurs que dans la plupart des pays, au risque d’inhiber les élèves.

Comment mieux évaluer les élèves ?

Que préconisent ces rapports pour mieux évaluer les élèves à l’école ? Comment pourrait noter l’enseignant des prochaines années ?

Si l’idée de supprimer les notes provoque toujours une forte polémique, il faut bien préciser qu’aucun de ces rapports n’envisage la fin de l’évaluation des élèves, mais plutôt une amélioration des techniques d’évaluation.

Si l’on envisage de retirer l’outil de la note sur 20 à l’enseignant, c’est pour le doter d’une véritable boîte à outils variée et performante. En bref : supprimer la note mais pas l’évaluation.

Les recommandations du Conseil supérieur des programmes sont nombreuses et remettent à plat les pratiques qui ont cours dans les salles de classes depuis longtemps. C’est le journal Le Monde qui révéla au public le contenu de ce rapport confidentiel.

Sur les modalités de l’évaluation, le CSP préconiserait donc par exemple de privilégier la collégialité de l’évaluation afin d’en garantir son équité, ou encore de faire une place à l’évaluation de travaux de groupes et de travaux interdisciplinaires.

Le rapport proposerait également de faire des « bilans d’acquisition de compétences en cours d’année, mais surtout à la fin de chaque cycle (CE2, 6e et 3e) n’ayant pas vocation à conditionner le passage des élèves dans la classe supérieure », comme le brevet des collèges qui devrait être supprimé.

Sur l’évaluation elle-même, le CSP proposerait d’établir un barème de 4 à 6 niveaux pour remplacer les notes, sur le modèle de ce qui se pratique dans plusieurs pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Finlande.

Se fier à ce qui se fait chez nos voisins : c’est un peu la démarche du Cnesco et son étude comparative. Elle nous révèle que plusieurs pays européens comme la Suède ou le Danemark ont éliminé les notations chiffrées durant les premières années de la scolarité, notamment au primaire et dans les premières années de leurs collèges.

Du côté de la Finlande, ce n’est qu’à partir de la classe de 4e que la législation impose l’introduction des notes par les enseignants. Dans les classes précédentes, le choix leur est laissé entre une évaluation chiffrée, une évaluation strictement qualitative (sans note) ou la combinaison des deux.

Le rapport explique qu’en pratique, la très grande majorité des enseignants finlandais font le choix de ne pas noter numériquement les élèves jusqu’à 13 ans.

Expérimentations et résultats

Si elle demeure pratiquée à la marge, la France n’est pas en reste dans l’expérimentation de nouveaux systèmes de notation.

Déjà entre 1969 et 1971, Edgar Faure alors ministre de l’Éducation nationale avait fait remplacer l’évaluation chiffrée par des lettres allant de A à E, considérant que « les travaux scolaires les plus formateurs sont ceux où la préoccupation des notes s’efface ».

Rapidement abandonnée avec l’élection de Georges Pompidou, cette tentative de trouver un système alternatif à la note sur 20 n’est pas pour autant tombée dans les oubliettes de l’histoire.

De nos jours, c’est le collège de Vic-Fezensac qui fait figure de symbole des « écoles sans notes » depuis que Najat Vallaud-Belkacem lui a rendu officiellement visite le 14 novembre 2014.

Six ans auparavant, les enseignants de ce petit collège du Gers ont décidé de noter « par compétences » une classe de 6e : une marque verte correspond à une compétence acquise, une marque rouge à une compétence non acquise. Une matière comme l’anglais comprend plusieurs compétences : écrire, lire, rédiger et dialoguer, parler en continu et écouter et comprendre.

Ce mode d’évaluation permet donc une évaluation plus fine du savoir réellement acquis par l’élève. Aujourd’hui, tout le collège l’a adopté. Efficace si l’on en juge les résultats : 70% de mentions et 93% de réussite au brevet.

Même innovation pour les classes de 6e et 5e du collège Budé dans le XIXe arrondissement de Paris, ou encore à Toulouse depuis 2012 dans deux classes du collège des Chalets et dans plusieurs collèges de Haute-Garonne. L’avenir nous dira si l’expérience s’étendra par la suite à toute la France, et pourquoi pas un jour l’appliquer aux notations des enseignants par leurs inspecteurs…


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