S’il est une évidence largement partagée par tous les acteurs du système éducatif, c’est que le métier enseignant a profondément changé ces cinquante dernières années : hétérogénéité plus grande des élèves, mutations des cursus scolaires, changement des méthodes et des contenus.

Adapter le métier enseignant aux défis du XXIe siècle est donc un enjeu primordial.
Vouloir transformer le métier enseignant, c’est d’abord et avant tout reconnaître qu’il s’agit d’un vrai métier auquel il est nécessaire d’être formé suite aux mutations intervenues.

L’enseignant est un concepteur, il n’est pas qu’un simple exécutant, il prend lors de chaque séquence, lors de l’articulation entre les séquences, des dizaines, des centaines de microdécisions. Il n’est pas un simple exécutant d’où l’enjeu d’une véritable démarche réflexive en formation au travers notamment des analyses de pratiques.
Les enseignants débutants prennent aussi quotidiennement de multiples décisions dans d’autres buts que celui de l’enseignement disciplinaire : pour obtenir le calme en classe, pour capter leur attention, pour entretenir leur motivation ou préserver ses propres forces.

L’enseignant est aussi un aiguilleur. Dans le cas des élèves à besoins éducatifs spécifiques, il a à participer dans le cadre de son cœur de métier au diagnostic de la situation du jeune concerné, mais il n’a pas à donner au jeune et à sa famille l’impression qu’il est en capacité de traiter toutes les situations. Il doit les aiguiller vers les professionnels compétents dans les différents domaines concernés.
Être enseignant, c’est bien connaître ceux qui peuvent compléter son action. Le partenariat, ce n’est pas se concurrencer, c’est agir en complémentarité, donc bien connaître son cœur de métier et le cœur de métier des professionnels qui peuvent agir pour accompagner le jeune.

Enseigner, c’est donc aussi connaître les autres professionnalités existant dans l’établissement, à l’extérieur de l’établissement, c’est reconnaître les familles dans leurs compétences, c’est donc bien connaître son cœur de métier et le cœur de métier des professionnels, des acteurs qui peuvent agir pour accompagner le jeune et cette fonction d’aiguilleur de l’enseignant que je relierais à celle de veilleur, c’est un enjeu important parce que cela signifie d’avoir des moments de formation en commun avec d’autres acteurs du système éducatif, d’autres acteurs du territoire.

Idéalement, un enseignant est porteur d’une éthique professionnelle, d’une éthique de la responsabilité qui guide son action dans la classe en liant justesse et justice dans ses actes, en particulier dans ses pratiques d’évaluation, qui le place en situation de conjuguer sa liberté pédagogique avec le respect des orientations du projet de l’établissement conçu en cohérence avec la politique de l’institution.
C’est au nom de cette éthique professionnelle que l’enseignant peut se sentir en capacité d’oser prendre des risques pour adapter son enseignement aux réalités du terrain et mieux mettre les élèves en situation d’apprentissage, et leur permettre de construire leur réussite. Cette responsabilité, assumée devant les élèves et leurs familles, le professeur l’exerce en choisissant sa pédagogie.

Le défi d’une formation qui a pour finalité de permettre aux futurs enseignants de mieux faire réussir tous les élèves, c’est de leur permettre de « penser le local » en ayant présent à l’esprit la politique nationale de l’institution auquel il appartient : l’Éducation nationale qui doit assurer une même qualité d’enseignement sur tout le territoire dans le respect des programmes et des règlements nationaux.

L’exercice solitaire du métier enseignant montre ses limites face aux difficultés d’exercice du métier enseignant (gestion de la classe, prise en compte de la diversité des élèves…).
En effet, le métier enseignant est particulièrement éprouvant. Les rapports avec les enfants et les jeunes, même dans les établissements accueillant des publics issus de catégories sociales assez favorisées, deviennent de plus en plus difficiles.

Face au malaise, à l’épuisement, à l’usure, constatés chez les enseignants, quelles peuvent être les conditions permettant de diminuer le stress enseignant en passant d’un exercice solitaire du métier à un exercice solidaire?

Il apparaît indispensable de développer une culture de l’accompagnement de projets, de favoriser une véritable gestion des ressources humaines et professionnelles basée sur les compétences et les potentialités de chacun, et d’accorder aux enseignants une véritable autonomie dans les faits que le système bureaucratique a tendance à freiner.

Il s’agit de retrouver ainsi du sens au métier enseignant, de la fierté et du bonheur d’enseigner, de permettre aux enseignants de reprendre la main sur le métier.

Quatre défis devront être relevés dans les mois qu viennent non pas de manière successive, mais de manière concomitante :

Les salaires et la carrière enseignante ne sont plus aujourd’hui à la hauteur des qualifications requises. Les enseignants français sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE.

Formation initiale et continue. Pour rendre attractif le métier, l’enseignant doit se sentir préparé et rassuré. C’est le rôle de la formation initiale et continue.

Conditions de travail. Les régions, les départements, les communes sont concernés par cet aspect essentiel du bien-vivre son travail dans un établissement adapté.

Reconnaissance et sécurisation. Pour se sentir libre d’innover, il faut se sentir sécurisé et en confiance avec son institution.

Jean-Louis AUDUC

Jean-Louis Auduc est ancien directeur des études d’un IUFM et l’auteur de nombreux ouvrages sur le système éducatif.


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